Vers un nouveau filtrage européen des investissements étrangers

Filtrage des investissements étrangers en Europe
Filtrage européen des investissements étrangers
Filtrage des investissements étrangers en Europe

Vers un filtrage européen des investissements étrangers : ce que change l’accord politique pour la France

Un renforcement de la sécurité économique européenne

L’accord politique trouvé entre le Parlement européen et le Conseil sur le renforcement du mécanisme de filtrage des investissements étrangers marque une nouvelle étape dans la construction de la sécurité économique européenne. Pour la première fois, tous les États membres devront se doter d’un dispositif de filtrage des investissements étrangers reposant sur un socle commun de secteurs sensibles et de règles procédurales harmonisées.

Pas de CFIUS européen, l’Union européenne n’étant pas un État fédéral

Un point fondamental doit être rappelé : l’Union européenne n’est pas un État fédéral et ne crée pas un « CFIUS européen ». En matière de filtrage des investissements étrangers, la compétence d’autoriser ou de bloquer une opération reste entre les mains des États membres. Le droit de l’Union organise un cadre commun, coordonne les échanges d’information et fixe un socle minimal, mais il ne remplace pas les régimes nationaux de contrôle des investissements étrangers.

Les trois piliers du futur règlement

Le futur règlement repose sur trois piliers majeurs. D’abord, l’obligation pour chaque État membre de mettre en place un mécanisme national de filtrage des investissements étrangers, là où certains pays n’en disposaient pas encore. Ensuite, la définition d’une liste minimale de secteurs critiques – défense, biens à double usage, technologies dites hyper-critiques, matières premières critiques, infrastructures de transport et numériques, infrastructures et systèmes électoraux, certaines infrastructures financières systémiques – que les régimes nationaux de filtrage des investissements étrangers devront, au minimum, couvrir. Enfin, la mise en place de règles de procédure communes et de délais coordonnés afin de structurer la coopération entre États membres et avec la Commission dans le cadre de ce mécanisme de contrôle.

Un dispositif français déjà robuste, mais appelé à évoluer

Pour la France, qui dispose déjà d’un dispositif solide de contrôle des investissements étrangers en France (IEF), cette évolution ne part pas de zéro. Le champ actuel couvre une grande partie des secteurs sensibles, et la pratique administrative du filtrage des investissements étrangers est désormais bien installée. Mais l’accord politique européen va mécaniquement entraîner des ajustements de notre droit interne, tant sur les secteurs couverts que sur les types d’opérations visées par le filtrage des investissements étrangers.

Adapter les secteurs français au socle européen

Sur le périmètre sectoriel, le futur règlement met l’accent sur certains domaines encore peu ou pas explicitement visés, comme les infrastructures et systèmes électoraux ou certains acteurs financiers systémiques. Il est donc probable que la France devra adapter la liste de ses secteurs sensibles pour aligner son filtrage des investissements étrangers sur le socle européen, tout en conservant des spécificités nationales là où elle souhaite aller plus loin.

La question des investissements greenfield

L’autre évolution majeure concerne la nature des opérations. Historiquement, le régime français a été conçu autour de la prise de contrôle de sociétés existantes, des franchissements de seuils de droits de vote et de certaines acquisitions d’actifs. La dynamique européenne pousse à ce que certains projets greenfield, lorsqu’ils touchent à des secteurs critiques, puissent également être appréhendés par le filtrage des investissements étrangers. Cela vise par exemple la création ex nihilo d’une infrastructure numérique clé, l’implantation d’un site industriel sensible ou la construction d’installations stratégiques de stockage ou de traitement de données placées sous le radar de ce mécanisme de contrôle.

Pour les entreprises : plus de prévisibilité… et plus de dossiers

Pour les entreprises françaises et les investisseurs étrangers, ce mouvement comporte un double effet. D’un côté, le recours à un langage commun et à des critères partagés apporte plus de lisibilité et de prévisibilité au filtrage des investissements étrangers. De l’autre, le champ des opérations potentiellement concernées s’élargit : davantage de projets, y compris greenfield ou intra-groupe, devront faire l’objet d’une analyse structurée sous l’angle du filtrage des investissements étrangers, en particulier dans les secteurs technologiques, énergétiques, de défense, de données ou de matières premières critiques.

Concrètement, il ne suffira plus de se demander si l’on franchit un seuil de contrôle dans une société française déjà identifiée comme sensible. Il faudra cartographier les chaînes de valeur, les flux de données, les partenariats technologiques et les implantations industrielles pour identifier les situations dans lesquelles le filtrage des investissements étrangers peut être déclenché ou recommandé à titre prudentiel.

Le rôle stratégique des conseils spécialisés

Dans ce contexte, le rôle de conseils spécialisés devient déterminant. Une lecture purement juridique du filtrage des investissements étrangers ne suffit plus : il faut combiner compréhension fine des textes, connaissance des attentes des autorités, maîtrise des enjeux sectoriels (défense, spatial, numérique, santé, énergie, data centers, matières premières critiques, etc.) et capacité à structurer un dialogue crédible avec l’administration.

Chez Relians, nous accompagnons les entreprises et les investisseurs tout au long du processus de filtrage des investissements étrangers : analyse précoce de l’éligibilité IEF, qualification des activités et des technologies, cartographie des risques de sécurité économique, préparation des notifications, gestion des échanges avec la DG Trésor et conception de remèdes ou d’engagements lorsque cela est nécessaire.

Faire du nouveau cadre un levier stratégique

La montée en puissance de ce mécanisme de contrôle au niveau européen n’est ni un simple effet de mode ni un réflexe de fermeture. C’est le reflet d’une prise de conscience : dans un monde de rivalités accrues, les capitaux ne sont pas toujours neutres et peuvent devenir des vecteurs d’influence ou de dépendance stratégique. Pour les acteurs économiques, l’enjeu n’est pas de contourner le filtrage des investissements étrangers, mais d’en faire un paramètre pleinement intégré à la stratégie de développement, en France comme à l’échelle européenne.