
Filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne – Rapport de la Cour des Comptes de l’Union européenne
Le rapport spécial de la Cour des comptes européenne examine l’efficacité et l’efficience du cadre mis en place en 2020 pour le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne. Ce cadre, établi par le règlement (UE) 2019/452, vise à protéger la sécurité et l’ordre public en permettant aux États membres et à la Commission européenne de coopérer pour évaluer et, si nécessaire, restreindre les investissements directs étrangers (IDE) susceptibles de représenter une menace. Bien que des progrès aient été réalisés, le rapport met en lumière des limites importantes qui nuisent à la gestion efficace des risques.
Contexte et objectifs du cadre
Le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne repose sur une approche coordonnée pour protéger les secteurs stratégiques vitaux pour la sécurité et le bon fonctionnement de l’économie européenne. En 2021, les IDE entrants dans l’UE ont atteint 117 milliards d’euros, soit 8 % du montant mondial. Le cadre reconnaît que certains investissements étrangers peuvent avoir des implications pour les infrastructures critiques, les technologies sensibles ou les informations stratégiques. Il cherche à préserver les intérêts de l’UE tout en respectant les principes de libre circulation des capitaux et de droits d’établissement.
Points forts du cadre
Le rapport souligne que le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne a permis d’améliorer la coopération entre les États membres et la Commission. Le dispositif de coopération instauré par le règlement facilite l’échange d’informations sur les risques liés aux IDE et permet aux États membres de mieux comprendre les tendances d’investissement. Il constitue un premier pas vers une protection accrue contre les menaces potentielles, notamment celles liées à des structures de propriété complexes ou à des dépendances critiques.
Limites du cadre
Malgré ces avancées, le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne souffre de plusieurs lacunes. Tout d’abord, six États membres ne disposent toujours pas de mécanismes de filtrage, ce qui crée des zones d’ombre dans la protection globale de l’UE. Ensuite, le règlement est davantage un cadre d’habilitation qu’un moyen d’harmonisation, laissant aux États membres une grande liberté pour définir le champ d’application de leurs mécanismes. Cela entraîne des disparités importantes dans la couverture sectorielle, les critères de filtrage et les processus.
De plus, la Commission ne peut ni interdire ni imposer des conditions contraignantes aux IDE, même lorsque des intérêts généraux de l’UE sont en jeu. Les États membres ne sont pas non plus tenus d’informer la Commission des décisions finales prises sur les dossiers d’IDE, ce qui limite la capacité de suivi et d’évaluation du cadre.
Problèmes liés aux concepts clés
Le rapport critique le manque de précision dans les définitions des concepts clés du règlement, ce qui nuit à l’efficacité du filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne. Par exemple, la notion de « risque probable » est vague et interprétée différemment par les États membres. De même, les investissements indirects et les investissements de portefeuille ne sont pas clairement couverts, ce qui ouvre la porte à des pratiques divergentes et à des risques non détectés.
Différences entre les mécanismes nationaux
Le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne est également entravé par les différences marquées entre les mécanismes de filtrage des États membres. Certains pays filtrent tous les secteurs, tandis que d’autres se concentrent sur des listes spécifiques. Les seuils déclenchant un contrôle varient également, tout comme les exemptions accordées à certains investisseurs. Ces disparités créent des incohérences et limitent l’efficacité du cadre au niveau européen.
Problèmes d’efficience
Le rapport note que le dispositif de coopération est encombré de dossiers inéligibles ou présentant un faible risque, ce qui réduit son efficience. Environ 30 % des dossiers notifiés par les États membres jusqu’à la fin de 2022 étaient inéligibles ou d’une éligibilité difficile à établir. La Commission a détecté des risques probables dans seulement 2 % des dossiers, ce qui montre un besoin d’amélioration dans la qualité des notifications et des informations fournies.
Évaluations et recommandations de la Commission
La Commission joue un rôle clé dans le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne, en évaluant les risques et en émettant des avis. Cependant, ses évaluations présentent des problèmes de qualité, notamment en ce qui concerne la description des risques, la probabilité qu’ils se matérialisent et la quantification de leur impact. Les recommandations de la Commission sont parfois difficiles à appliquer ou incompatibles avec une économie de marché, ce qui limite leur efficacité.
Ressources et outils opérationnels
La Commission a mis en place des outils opérationnels et des systèmes informatiques appropriés pour soutenir le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne. Elle a également créé un groupe d’experts pour partager les bonnes pratiques et les enseignements tirés. Cependant, ses rapports annuels ne mettent pas suffisamment l’accent sur les risques détectés ni sur les approches communes pour les atténuer, ce qui limite leur utilité.
Recommandations
Le rapport propose plusieurs recommandations pour améliorer le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne :
- Apporter des modifications au règlement pour obliger tous les États membres à mettre en place un mécanisme de filtrage, clarifier les concepts clés et couvrir explicitement les investissements indirects.
- Évaluer la conformité des mécanismes nationaux avec les normes réglementaires et encourager l’harmonisation des critères et des processus.
- Améliorer les évaluations des risques en coopérant avec Europol et Eurojust, en se concentrant sur les risques probables et en renforçant la qualité des avis.
- Renforcer la qualité des rapports annuels en se concentrant sur les risques critiques et les approches destinées à les atténuer.
Conclusion
Le filtrage des investissements étrangers dans l’Union européenne est un outil essentiel pour protéger la sécurité et l’ordre public. Bien que des progrès aient été réalisés, des limites importantes subsistent, notamment en ce qui concerne l’harmonisation des mécanismes nationaux, la précision des concepts clés et l’efficacité des évaluations et des recommandations. La mise en œuvre des recommandations du rapport pourrait renforcer la capacité de l’UE à gérer les risques liés aux IDE et à préserver ses intérêts stratégiques.

étrangers dans l’UE
Pour en savoir plus
Livre « IEF Le contrôle des investissements étrangers en France », ed Relians, 2024
Notre expertise
Relians, cabinet de conseil stratégique et institutionnel, accompagne depuis plus de 20 ans les entreprises confrontées à ces enjeux. En s’appuyant sur une lecture experte des textes, des pratiques administratives et des lignes directrices applicables, nous aidons nos clients à structurer leurs opérations en toute sécurité, dans le respect des exigences réglementaires et dans une logique de dialogue constructif avec les autorités françaises.
Relians, spécialiste du contrôle des investissements étrangers