
Vers un renforcement durable du contrôle des investissements étrangers en France : le seuil de 10 % dans les sociétés cotées devient permanent
Le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France s’est imposé au fil des dernières années comme une priorité stratégique, dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, de guerre économique larvée entre puissances, et de fragilisation de certaines entreprises jugées sensibles. Le décret publié fin 2023, qui pérennise l’abaissement à 10 % du seuil de participation dans les sociétés cotées, constitue une étape majeure de cette évolution normative.
Le socle juridique : de la loi PACTE à l’urgence sanitaire
Pour comprendre le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France, il faut revenir sur les principales étapes législatives qui ont jalonné ce processus. Initialement, la procédure de contrôle prévue par l’article L.151-3 du Code monétaire et financier ne s’enclenchait que lorsqu’un investisseur étranger souhaitait acquérir plus de 50 % des droits de vote d’une entreprise active dans un secteur stratégique. La loi PACTE et son décret d’application , adoptés en 2019, ont abaissé ce seuil à 25 %, traduisant une première inflexion dans la doctrine de protection des intérêts fondamentaux de la Nation.
Cependant, c’est durant la crise du Covid-19 que le gouvernement français a pris des mesures exceptionnelles, marquant un renforcement du contrôle des investissements étrangers en France sans précédent. Afin d’éviter une vague de rachats opportunistes d’entreprises cotées, affaiblies par la chute de leurs valorisations boursières, le ministre de l’Économie a publié un décret abaissant temporairement ce seuil à 10 % pour les sociétés françaises dont les actions sont admises sur un marché réglementé.
Présentée comme une mesure conjoncturelle, cette disposition devait initialement prendre fin au 31 décembre 2020. Toutefois, la fragilité persistante des marchés et les alertes d’acteurs politiques et institutionnels ont rapidement fait émerger l’idée d’un maintien, voire d’une consolidation pérenne de cette approche plus restrictive.
Une logique politique et institutionnelle convergente
Le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France a reçu, dès l’origine, un soutien appuyé au sein de la classe politique. Dès juin 2020, Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, appelait à inscrire durablement le seuil de 10 % dans la réglementation. D’autres parlementaires, de divers horizons politiques, ont relayé cette demande.
Dans le même temps, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans son avis intitulé « Pour une stratégie d’investissements directs étrangers en France soutenables et responsables », recommandait dans sa proposition n°18 de maintenir l’abaissement à 10 % jusqu’en 2023 et d’en dresser le bilan. Ces positions témoignent d’une évolution des mentalités : la prise de participation minoritaire n’est plus vue comme anodine, mais comme susceptible d’influencer la stratégie, la gouvernance ou les actifs sensibles d’une entreprise.
Le ministre de l’Économie lui-même avait d’ailleurs souligné que le capital des sociétés cotées étant par nature plus éclaté, une prise de participation de 10 % par un investisseur étranger pouvait suffire à faire peser un risque sur les intérêts essentiels de la Nation. À l’inverse, dans les sociétés non cotées, la structure actionnariale plus stable limite la portée d’une participation minoritaire.
Reconduction transitoire, puis décision définitive
C’est dans cette logique que le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France s’est traduit, en pratique, par deux reconductions successives de la mesure : d’abord pour l’année 2021, puis pour 2022. Chaque fois, l’exécutif a justifié cette prorogation par le maintien de risques systémiques et la nécessité de protéger le tissu industriel stratégique national.
Mais au-delà de ces prolongations, l’année 2023 a été marquée par une décision de fond : faire de ce seuil de 10 % une disposition permanente à compter du 1er janvier 2024. Cette évolution majeure s’inscrit dans une doctrine désormais bien établie, qui reconnaît que l’influence sur une entreprise sensible ne s’exerce pas uniquement par la majorité du capital, mais peut résulter de stratégies d’infiltration, de pression, ou d’accès à des informations sensibles.
Un rôle central du CIEF
Le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France s’appuie sur l’expertise du Bureau des investissements étrangers, le CIEF, qui instruit les demandes et émet des recommandations au ministre. C’est également ce bureau qui peut proposer des évolutions réglementaires, en lien avec les constats de terrain, les évolutions sectorielles, ou les nouvelles menaces géoéconomiques.
Dans le cas du seuil de 10 %, le CIEF a contribué à établir une doctrine d’application claire, en précisant les situations dans lesquelles une prise de participation minoritaire pouvait engendrer un contrôle effectif : présence au conseil d’administration, accès à des droits particuliers, ou influence indirecte sur des activités classifiées ou stratégiques.
Un mouvement européen et international
Il convient de replacer le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France dans un contexte plus large. La Commission européenne a elle-même incité les États membres à renforcer leurs mécanismes de filtrage des investissements, via le règlement (UE) 2019/452, qui est entré pleinement en vigueur en 2020. Plusieurs pays comme l’Allemagne, l’Italie, ou l’Espagne ont abaissé leurs seuils de déclenchement ou élargi la liste des secteurs sensibles.
Au-delà de l’Union, des pays comme les États-Unis, via le CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States), ou encore le Japon et l’Australie, ont mis en place des mécanismes robustes de filtrage, souvent renforcés à la suite de la pandémie. La France n’échappe donc pas à une tendance de fond : celle d’une souveraineté économique assumée, centrée sur la protection de ses capacités technologiques et industrielles.
Vers une stratégie plus globale d’attractivité maîtrisée
Le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France ne doit toutefois pas être interprété comme un rejet de l’ouverture économique. L’objectif n’est pas de fermer la porte aux investisseurs étrangers, mais de s’assurer que leur présence n’altère pas la souveraineté technologique, la sécurité nationale ou la continuité des services essentiels.
Dans cette optique, le gouvernement français cherche à conjuguer attractivité et vigilance. L’outil IEF est aujourd’hui mieux intégré dans les stratégies de M\&A (fusions-acquisitions) et commence à être anticipé dès la phase de structuration des opérations, avec l’appui de conseils spécialisés. Ce mouvement de professionnalisation s’accompagne d’un dialogue plus constructif entre investisseurs et autorités, dans un esprit de clarté et de transparence.
Le décret de 2023, instaurant de manière définitive le seuil de 10 % dans les sociétés cotées, s’inscrit dans une dynamique structurelle de renforcement du contrôle des investissements étrangers en France. Cette évolution traduit une volonté politique affirmée de protéger les intérêts fondamentaux de la Nation, tout en préservant une ouverture raisonnée au capital étranger.
À l’avenir, ce cadre pourrait encore évoluer pour s’adapter aux transformations technologiques et aux menaces hybrides. L’essentiel sera de maintenir un équilibre entre vigilance souveraine et attractivité internationale – un défi que la France semble désormais prête à relever avec plus de cohérence et d’outils qu’auparavant.
Pour en savoir plus
Livre « IEF Le contrôle des investissements étrangers en France », ed Relians, 2024
Notre expertise
Relians, cabinet de conseil stratégique et institutionnel, accompagne depuis plus de 20 ans les entreprises confrontées à ces enjeux. En s’appuyant sur une lecture experte des textes, des pratiques administratives et des lignes directrices applicables, nous aidons nos clients à structurer leurs opérations en toute sécurité, dans le respect des exigences réglementaires et dans une logique de dialogue constructif avec les autorités françaises.
Relians, spécialiste du contrôle des investissements étrangers